Violences dans le Capitole :
quand la foule trahit le peuple
C’est un moment d’histoire politique américaine et occidentale majeur que nous avons vécu en direct dans la nuit de mercredi à jeudi. La tentative réussie, par quelques centaines de manifestants pro-Trump, d’entrer dans le Capitole, est une image qui nous a saisis par sa violence et sa puissance symbolique. Les morts, les policiers blessés, la présence de drapeaux sudistes, l’énumération de slogans racistes ou antisémites sont autant de réalités brutales d’une Amérique désormais coupée en deux et n’en ayant pas finie avec ses vieux démons.
De notre côté de l’Atlantique, cette violence politique, que l’on a pu sentir poindre en France ces derniers mois, dans une ampleur bien différente, doit nous faire réfléchir à la portée de nos discours et de nos actes. Nous ne pouvons pas nous laisser aller aux appels à la violence ou au mépris contre des responsables politiques ou des institutions, que nous partagions ou non leurs idées. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est affaiblir la démocratie. Quand on plébiscite un pyromane, il ne faut pas s’étonner de l’incendie, ni de récupérer sa maison en cendres.
Il est plus que jamais temps de défendre (même si cela est impopulaire) la démocratie représentative, la liberté de la presse, le respect du débat d’idées, la protection de nos institutions. Rien de tout cela n’est contre le peuple. Par contre, tout cela met hors d’elle la foule, dans son expression la plus brutale et la plus violente.
Cette foule, qui s’est introduite dans le Capitole, cette semaine, est abreuvée depuis plusieurs mois d’informations alternatives, de « fake news », d’un complotisme qui s’est plus que jamais développé durant la crise sanitaire. Tous ces Américains qui ont préféré user de la force plutôt que d’accepter la défaite de leur candidat ont été chauffés à blanc par des personnalités politiques irresponsables et des années de théories conspirationnistes.
Il n’y a pas de quoi en rire ni essayer de chercher des excuses. Il devient impossible de faire peuple, de maintenir la Nation unie, lorsqu’une partie d’entre elle repose sa vision de la politique sur des informations tronquées, partiales, voire mensongères.
« Souvent la foule trahit le peuple » écrivait Victor Hugo et les événements d’hier lui donnent encore raison. En appelant à la violence politique et à l’explosion de la haine on ne fait qu’affaiblir son pays et l’intérêt général, c’est-à-dire l’intérêt du peuple tout entier.
Hier, il n’y aura finalement pas eu de coup d’État, mais une tentative ratée d’insurrection qui aura conclu tragiquement le mandat de Donald Trump mais pas le trumpisme. On ne peut qu’espérer que ce moment d’histoire nous fasse méditer sur la fragilité de nos démocraties et sur l’importance de les protéger de la violence et du mensonge.