Enjeux internationaux

    2020 : une année charnière pour l’Europe

    Et si l’année 2020 était une nouvelle étape dans le renforcement de l’Union européenne ? À première vue, tout laisserait penser le contraire. Les négociations autour du Brexit semblent dans l’impasse et l’Europe est confrontée à une crise sanitaire et économique sans précédent, qui s’ajoute à la crise environnementale et à celle des migrants qui continuent de la concerner en premier lieu. L’antienne d’une Union faible face aux nouvelles grandes puissances parcourt toujours beaucoup de lèvres, et pourtant…

    Cette année a été celle de tournants décisifs dans l’histoire de la construction européenne – et beaucoup de signes laissent présager que celle-ci en sortira renforcée.

    Sur le Brexit, d’abord. Si le « no deal » pouvait engendrer des secousses économiques des deux côtés de la Manche, le Royaume-Uni a trouvé, face à lui, une Union européenne unie et déterminée, notamment dans la volonté de protéger son marché unique. Sur les enjeux de concurrence, d’accès des pêcheurs aux eaux européennes ou de règlement des différends, l’Europe a enfin parlé d’une seule voix et ne compte pas se laisser faire. S’il faut souhaiter que la responsabilité des parties permette de trouver un accord avant le 1er janvier, cet épisode a montré que l’Union n’était pas une interlocutrice que l’on pouvait escamoter ou négliger. Il faut espérer que cette unité et cette détermination persistent, quelle que soit l’issue des négociations, dès le début de l’année 2021.

    Concernant cette volonté de parler d’une seule voix, il faut saluer une nouvelle fois ce que je soulignais ici la semaine dernière, concernant le fait d’avoir refusé le chantage de la Pologne et de la Hongrie sur la clause de respect de l’État de droit, contenue dans le plan de relance. L’Europe choisit de ne pas mettre au second plan les enjeux de démocratie et de justice, ce qu’on lui a trop souvent reproché, et parfois à juste titre.

    Le plan de relance, justement. Pour la première fois, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, les Vingt-sept ont choisi de s’endetter en commun, ce qui est une véritable révolution à l’échelle de l’histoire de l’Union. Ce plan européen de 750 milliards d’euros est un acte sans précédent pour permettre de redémarrer l’économie post-crise. Il n’omet d’ailleurs pas de réserver une grande partie des aides au respect des objectifs climatiques de l’UE, comme la neutralité carbone à l’horizon 2050, ainsi qu’à la numérisation de l’économie.

    Si les mesures d’urgence et de court terme sont importantes pour sauver l’économie de l’Union, il est aussi nécessaire d’anticiper les crises qui nous menacent et de mettre en place une gouvernance du long terme.

    L’Europe s’est aussi montrée solide dans sa détermination à se doter d’un arsenal de règles et de sanctions permettant de se protéger contre les géants du numérique, notamment les fameux GAFAM, et les risques d’abus de position dominante, de diffusion de contenus haineux ou d’utilisation de contenus privés. Ce « Digital Services Act », qui sera suivi d’un « Digital Markets Act », doit beaucoup à la détermination du commissaire européen français, Thierry Breton. Leur application sera une charnière décisive pour que l’UE se fasse respecter par des grandes entreprises dont le fonctionnement ou les actions risquent de mettre en péril notre économie et notre société.

    Enfin, sur le front extérieur, l’Europe a continué de s’engager. En sanctionnant la Turquie sur les travaux d’exploration gazière illégaux menés contre la Grèce et la Chypre, en suspendant le versement d’aides budgétaires à l’Éthiopie du fait du conflit au Tigré, en soutenant l’opposition biélorusse dans sa contestation des élections frauduleuses… L’Union montre de plus en plus qu’elle est une actrice diplomatique majeure.

    Bien sûr, de nombreuses améliorations restent encore à conquérir. Il faudra à la fois répondre aux nouvelles crises qui nous menacent, éviter l’explosion de l’euro, continuer de s’affirmer comme un interlocuteur fort, améliorer l’Union politique et démocratique… La réussite de la campagne de vaccination européenne, qui pourrait commencer avant la fin de l’année 2020, sera une autre étape de ce renforcement de l’UE.

    Mais d’ores et déjà, alors que 2020 aurait pu être l’année de son effondrement, elle est en fait celle qui aura montré aux Européens qu’ils peuvent agir s’ils sont unis et conscients de leurs responsabilités et de leurs capacités.