Quelque chose a changé. Dans les événements qui agitent depuis plusieurs semaines la Biélorussie, je voudrais mettre en avant le rôle inédit des femmes. Un rôle que celles-ci n’ont jamais occupé jusqu’alors dans des mouvements de révolte et qui pourrait changer radicalement l’idée que l’on se faisait de la participation des femmes dans la vie publique.
Tout est parti d’une femme, Svetlana Tsikhanovskaïa, candidate face au président Loukachenko aux élections présidentielles d’août dernier. Si elle a été autorisée par le pouvoir en place à participer à ces élections, c’est que jamais le chef de l’État biélorusse n’estimait qu’une femme puisse sérieusement lui tenir tête. En mai dernier, il considérait que la société biélorusse « n’a pas encore assez mûri pour voter pour une femme », affirmant que c’était « parce que selon la constitution, notre Président a des pouvoirs forts »…
Pourtant, c’est bien elle, Svetlana Tsikhanovskaïa qui a fait trembler le pouvoir biélorusse lors de ces élections présidentielles, marquées par des fraudes électorales d’ampleur, et dont les résultats provoquent depuis plusieurs semaines des mouvements de révoltes inédits dans le pays. Ce sont aussi deux femmes, Veronika Tsepkalo et Maria Kolesnikova, qui incarnent les autres principales opposantes au régime du président Loukachenko. Et avec elles, de grandes figures féminines, notamment dans les syndicats, qui mènent les grèves et les manifestations.
Les 13 et 15 août, les femmes étaient déjà les premières à descendre dans les rues pour protester contre la victoire irrégulière de Loukachenko aux élections présidentielles. Le 12 septembre dernier, elles étaient encore plus de 10.000 à défiler dans les rues de Minsk pour obtenir le départ du président.
Elles ne furent épargnées ni par la violente répression policière, ni par les vagues d’arrestation, pourtant elles sont toujours là, debout, actrices majeures d’une révolte en faveur de la liberté et de la démocratie.
En tant que femme et en tant que responsable politique, je ne peux que me réjouir que les choses changent enfin. J’applaudis le soulèvement salutaire de celles qui se sont longtemps tues dans une société qui leur laissait trop peu de place. Les jours historiques que vivent la Biélorussie doivent inspirer la prise de conscience, partout dans le monde, que les femmes ont un rôle citoyen capital à jouer. Ce siècle ne se fera pas sans démocratie et sans libertés publiques – il ne se fera pas non plus sans les femmes.