Égalité femmes et hommes

    Le masculin n’est pas neutre, y compris dans la Constitution

    L’invisibilisation des femmes dans le droit : proposition de révision de la Constitution

    Face à une polémique naissante sur ma proposition de révision de la Constitution, je vous propose d’en lire l’exposé des motifs de l’amendement, que je défendrai en Commission des lois la semaine prochaine. Ce n’est pas l’écriture inclusive que je propose, mais le fait que chaque fonction citée le soit aussi au féminin ; le neutre n’existant pas dans la langue française.

    L’exposé des motifs :

    Dans sa Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne, Olympe de Gouges soulignait déjà avec ironie l’invisibilisation des femmes dans le droit.

    L’emploi, notamment dans les textes de lois, Constitution comprise, de termes uniquement masculins, que ce soit pour désigner les citoyens ou certaines fonctions, contribue à ce phénomène d’invisibilisation des femmes.

    Concernant cette problématique, le HCEfh souligne que « la portée performative du langage est importante, en ce qu’elle témoigne de notre vision du monde, et le choix de l’utilisation de la règle grammaticale, selon laquelle le masculin est neutre, exclut symboliquement les femmes des hautes fonctions de la République. En français, le neutre n’existe pas : un mot est soit masculin, soit féminin. L’usage du masculin n’est pas perçu de manière neutre en dépit du fait que ce soit son intention, car il active moins de représentations de femmes auprès des personnes interpellées qu’un générique épicène. »

    L’Assemblée nationale a signé le 8 mars 2017 la Convention d’engagement pour une communication publique sans stéréotype de sexe du HCEfh qui vise à la bonne utilisation du Guide précité dans les travaux du législateur. Cet engagement mérite d’être développé, notamment en accentuant nos efforts pour développer une langue française plus inclusive.

    La réforme constitutionnelle offre une occasion unique de démontrer l’attachement de notre assemblée au respect de ces engagements, en adaptant en conséquence le texte ayant la plus forte portée juridique. Le signal ainsi lancé ne serait pas seulement symbolique, mais constituerait un pas vers l’égalité réelle par la portée performative de notre Constitution qui s’attacherait désormais à féminiser la dénomination des plus hautes fonctions républicaines.

    La parité tend à corriger des situations inégalitaires, lesquelles ne se seraient vraisemblablement pas rééquilibrées sans intervention du législateur. Les institutions et entreprises françaises ont indéniablement progressé en la matière, sous l’effet de la loi.

    Toutefois, l’égalité réelle, pour sa part, nécessite des mesures de portée différente, qui se fonderait sur la notion d’habitus, au sens qu’en donne le sociologue Norbert Elias.

    Cet habitus est le « savoir social incorporé » qui se sédimente au cours du temps et façonne, telle une « seconde nature », l’identité tant individuelle que collective des membres d’un groupe humain qu’il s’agisse d’une famille, d’une entreprise, d’un parti ou d’une nation. Pour construire un habitus égalitaire entre les femmes et les hommes, il est pertinent que de très nombreux signaux en soient donnés régulièrement. Ils touchent à nos textes fondamentaux comme à de multiples situations de la vie quotidienne.

    Féminiser les terminologies dans la Constitution en constituerait non seulement un acte fondateur, mais également une réelle avancée républicaine, qui « visibiliserait enfin les femmes dans le droit ».


    Voir les articles de presse sur ce sujet :

    Le Figaro : Une députée LaREM veut réécrire la Constitution en écriture inclusive Huffingtonpost : La députée LREM Isabelle Rauch veut féminiser la constitution